
Romain et ses drôles de dames

Il a les mots aiguisés comme des lames et une âme de Robin des Bois. Il aime à raconter qu’il vient de la banlieue, sur un air de défi. Volleyeur modeste de Bondy, il se marre en disant que, dans la cité du 93, finalement, il n’y a pas que Kylian Mbappé. Romain Pitou a 36 ans, il n’a pas fait carrière sur le pré, mais voilà maintenant douze ans qu’il a posé ses valises, ses convictions et ses méthodes hors champ au bout de la France, en Moselle, en lisière du Luxembourg. Romain est un socle, un pilier, le souffle aussi de cette équipe de Terville-Florange qui ébouriffe la LAF depuis deux saisons maintenant.
Sixième l’an passé, sur le marathon régulier, le TFOC a manqué la marche européenne de peu. Mais en entrant dans le Top 8, il a posé une première balise historique, en même temps qu’une tête d’épingle sur la carte de France. Car désormais, Terville-Florange n’est plus l’inconnu du bataillon. Cette saison, il fallait donc confirmer, tout en étant observé, surveillé. Ce n’était pas le plus mince des défis ! Et Romain Pitou et ses drôles de dames sont en passe de le relever d’une manière absolument remarquable. Actuellement quatrième, derrière un trio de cadors, Mulhouse, Le Cannet et Nantes qui sont dans des sphères budgétaires et des ossatures d’équipe sans commune mesure avec l’effectif mosellan, Terville-Florange est à fond dans son rôle de poil-à-gratter et récite depuis le début de l’année 2022 une partition spectaculaire, avec sept succès de rang, une marque record pour le club en LAF, avant de croiser Volero Le Cannet samedi en bord de Méditerranée !
Pour son coach, la réussite repose sur l’adhésion et la dévotion de tout le monde, staff et joueuses, pour un style de jeu et un profil d’équipe qui n’ont guère d’équivalent en LAF. «Ce qui fait la réussite cette saison, c’est un staff soudé, avec Simon Garel et Damien Pépin qui m’accompagnent, qui travaille énormément, qui tire dans le même sens. Ensuite, c’est la chance d’avoir des joueuses qui viennent dans mon univers», raconte joliment Romain.
Il faut dire que son monde à lui diffère un peu de ceux de ses comparses de banc en LAF. A Terville-Florange, tous les entraînements se font en musique et le coach, tout en énergie, ne mâche jamais ses mots, à l’endroit de joueuses qu’ils ne posent jamais sur un piédestal. «Je ne suis pas conventionnel», admet-il dans un sourire. «Après, en ce qui concerne les entraînements en musique, même si je recherche un peu le côté ludique, des études japonaises sérieuses montrent qu’on se concentre mieux quand il y a des éléments extérieurs. Quand tu arrives en match, y a de la musique, du bruit, des spectateurs. Ensuite, j’essaie surtout de ne pas en faire des princesses. Il n’y a pas de passe-droit, il faut accepter les contraintes sans pleurnicher», clame le technicien francilien, qui à l’inverse, tient ses promesses de début de saison, à savoir pizza pour toute l’équipe après trois victoires consécutives !
A Terville-Florange, Romain mesure chaque jour qui passe la chance qu’il a d’exercer ce métier-là et il fait en sorte que chacune de ses joueuses en ait profondément conscience. «On a énormément de chance de faire les métiers que l’on fait et il faut qu’on ait beaucoup de plaisir à faire cela. On vit de notre passion, c’est génial ! Surtout moi, qui n’ai pas été un joueur pro. Là, on va prendre l’avion pour aller au Cannet, ça m’amuse. Ce sont des conneries, mais je suis content, je profite de chaque moment que m’offre ce métier», dit-il, sur un ton plein de candeur.
Sur le terrain, Terville-Florange affole les compteurs cette saison dans un domaine tout particulièrement, le bloc-défense. Dans le sillage de la centrale française, meilleure contreuse du championnat, Mariam Sidibe (68 blocks au total), le TFOC n’en finit plus de repousser les limites et de gonfler les chiffres : 21 contres en quatre sets contre Evreux samedi dernier, 16 en trois contre Paris, 20 en cinq contre France Avenir 2024 et 12,2 contres de moyenne par match en LAF ! «C’est une équipe qui se bat, qui doit être intelligente à certains moments», note simplement Romain.
Il faut dire que pour prendre le pouls de «sa tribu» et rectifier ce qui ne va pas, le coach mosellan a une ligne directe avec le vestiaire : Polina Pitou. Réceptionneuse-attaquante à Terville depuis 2009 et femme du coach depuis bientôt huit ans maintenant ! Une situation singulière que le couple gère parfaitement, avec franchise et honnêteté. «Je suis plus dur avec elle qu’avec les autres», convient Romain. «On est un couple très franc, on se dit les choses et on n’est pas rancuniers. Pour moi, c’est un vrai avantage. Elle est un vrai pilier, elle me permet de répondre à plein de questions. Quand c’est naze, elle me le dit», confesse le coach. Mais ces derniers mois, tout va pour le mieux chez les Pitou et à Terville-Florange.